HAYTER et l’atelier du monde
entre surréalisme et abstraction
Découvrez l’exposition sous forme de visite virtuelle avec Laurence Imbernon, conservatrice et commissaire de l’exposition :
Découvrez un extrait de l’émission Culture Club de TVRennes qui vous fait découvrir l’exposition Hayter et l’atelier du monde avec Laurence Imbernon, conservatrice au Musée des beaux-arts de Rennes et commissaire de l’exposition.
Né en Angleterre, le peintre et graveur Stanley William Hayter (1901-1988) fonde à Paris en 1927, un atelier de gravure connu sous le nom d’Atelier 17. Picasso, Miró, Tanguy, Masson mais aussi
Vieira da Silva et Giacometti, puis de nombreux artistes de différentes générations vont y explorer la gravure, nouvel espace dans leur domaine de création. Durant plus de soixante ans, l’Atelier 17
se révèle être un laboratoire de création unique, transatlantique et cosmopolite. Il accueillera des générations d’artistes, dont un grand nombre de femmes comme Maria Helena Vieira da Silva, Louise Bourgeois, Nina Negri ou Helen Phillips, tandis que vont se croiser l’écriture automatique surréaliste et les nouvelles formes de l’abstraction.
Autour de l’œuvre de Hayter, des estampes, des peintures et des sculptures, offrent une immersion dans les processus créatifs mis en œuvre par les artistes de l’Atelier 17, depuis le travail de taille de la planche jusqu’aux expérimentations d’encrage et d’impression. Les œuvres de près de soixante-dix artistes des avant-gardes modernistes sont présentées dans l’exposition, tandis que les nouvelles formes de l’abstraction européenne et américaine prennent forme. Hayter, par sa créativité et son enseignement, a su renouveler une pratique de la gravure qu’il va transmettre aux quatre coins du monde, au milieu du XXe siècle.
Conçue en relation avec la Bibliothèque nationale de France, cette exposition, soutenue par le FRAME (FRench American Museum Exchange), s’inscrit dans la programmation Une saison américaine en France, en partenariat avec le musée d’Arts de Nantes, le Centre de la Vieille Charité à Marseille et le musée Fabre de Montpellier, tous membres de ce réseau de coopération culturelle francoaméricain. L’Institut national d’histoire de l’art (INHA) assure la coordination scientifique du colloque qui complète cette programmation.
Liste des artistes présentés :
Années 1930
John Buckland Wright - Alberto Giacometti - Stanley William Hayter - Joseph Hecht - Dalla Husband - Vassily Kandinsky - Roderick Mead - Joan Miró - Nina Negri - Gabor Peterdi
Pablo Picasso - Anton Prinner - Dolf Rieser - Arpad Szenes - Yves Tanguy - Roger Vieillard - Maria Helena Vieira da Silva
Années 1940
Ellen Abbey Countey - Margaret Balzer Cantieni - Frederick Becker - Alicia Bell Legg - Louise Bourgeois - Letterio Calapai - Marc Chagall - Minna Citron - Edward Countey
Dorothy Dehner - Sari Dienes - Christine Engler - Francine Felsenthal - Sue Fuller - Milton Gendel - Peter Grippe - Terry Haass - Anita Heiman - Ian Hugo - Margaret Kettunen Zegart
Mauricio Lasansky - Jacques Lipchitz - André Masson - Joan Miró - Robert Motherwell - Louise Nevelson - Gabor Peterdi - Helen Phillips - Jackson Pollock - André Racz - Abraham Rattner - Karl Schrag - Doris Seidler - Kurt Seligmann - Alice Trumbull Mason - Roger Vieillard - Enrique Zañartu
Années 1950 à 1964
Pierre Alechinsky - Isolde Baumgart - Françoise Bricaut - Jean Clerté - Corneille - Anthony Gross - Terry Haass - Jacques Hérold - Sigismond Kolos-Vary - Richard Lacroix - Wifredo Lam
André Masson - Yoshiko Noma - Helen Phillips - Roger Platiel - Bernard Rancillac - Krishna Reddy - Nono Reinhold - Jean-Claude Reynal - Dolf Rieser - Hector Saunier - Karl Schrag - Gail Singer - Yves Tanguy - Eugenio Téllez - Enrique Zañartu
Section 1
PARIS, 1927 – 1939
Dès l’ouverture de son atelier de gravure parisien en 1927, Hayter oriente son enseignement vers la taille douce, une gravure en creux, utilisant peu d’outils et une presse.
Ses Paysages urbains, de 1930, croisent perspectives architecturales et figures oniriques, proches de l’automatisme promu par les surréalistes. Ses élèves viennent d’horizons géographiques très
divers. Dalla Husband, Britannique installée au Canada, qui a initié la création du futur Atelier 17, débute par la xylographie. L’enseignement artistique que propose Hayter est ouvert et des artistes
renommés viennent à leur tour expérimenter à l’Atelier 17, proche de l’univers surréaliste. Yves Tanguy et Alberto Giacometti travaillent à l’eauforte, l’un dans ses paysages rêvés, le second dans
le dessin gravé d’une sculpture. Roger Vieillard réunit dans ses burins des figures biomorphiques dans un espace vide en apparence. Anton Prinner invente un procédé d’image qui utilise négatif et
positif, telle une photographie. L’iconographie des estampes de l’atelier, parfois empruntée à la mythologie gréco-latine, s’ouvre à la modernité. C’est le cas des nymphes du Néo-Zélandais de John Buckland Wright. L’image de l’animal, qui vient de chez Hecht, le représente souvent blessé. Cette figure est récurrente chez Gabor Peterdi, reprise à l’encre par Arpad Szenes et omniprésente chez Picasso. Nina Negri injecte la couleur rouge par encrages dans ses estampes au burin. L’animal est l’archétype d’un être en proie à la violence, dans les circonstances historiques de la guerre civile en Espagne. Hayter, sensible à la création collective, crée des portfolios en faveur des combattants républicains espagnols, entre 1930 et 1939. Il fait intervenir graveurs et poètes dont Kandinsky, Eluard ou Stephen Spender. La peinture de Hayter, fortement colorée, face à ses tirages en noir, reprend dans son Paysage anthropophage la dramaturgie de Numancia, d’après Cervantès, citée espagnole assiégée par les Romains au IIe siècle.
Gabor Peterdi, Taureau qui charge (Charging Bull), 1939, burin, courtesy of Dolan/Maxwell
© Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 - © DR
Stanley William Hayter, Paysage anthropophage, 1937, huile sur toile, collection privée, © DR - © Adagp, Paris, 2021
Section 2
NEW YORK, 1940 – 1950
L’Atelier 17 parisien ferme en 1939. Hayter le réinstalle à la New School for Social Research de New York, devenant le repère des surréalistes européens en exil. La violence psychologique en temps
de guerre est sensible dans l’imagerie des artistes d’Europe de l’Est. Les personnages mythiques d’André Racz traduisent lutte et défaite. Dès 1943, les œuvres gravées sont en majorité abstraites, de même que l’œuvre de Hayter. Au contact des surréalistes, la jeune génération des artistes américains découvre en la gravure un espace de création inépuisable. La thématique d’une nature déchaînée apparaît dans les estampes, chez Christine Engler et Karl Schrag, accentuée par les latino-américains, dont Mauricio Lasansky. L’emploi du vernis mou, chez Sue Fuller, et de nombreuses femmes artistes, est une sorte d’avatar du collage. Hayter inaugure en 1946 un procédé d’impression en couleurs simultanées, en un seul passage, avec l’estampe Cinq personnages, grâce à un jeu d’encres de viscosités différentes. Le succès de cette technique est contemporain du terme d’expressionnisme abstrait, qui réunit, dans une esthétique non-figurative, une intensité émotionnelle immédiate. Le passage à la gravure chez Pollock – qui doit en partie à Hayter la notion de dripping – aussi bien que chez Motherwell, est essentiel à leur expression. La couleur s’introduit avec spontanéité dans les compositions abstraites de ces jeunes abstraits, peintres ou sculpteurs, qui traduisent dans leur gravure des orientations volumétriques ou spatiales. Autour des bronzes d’Helen Phillips, se distinguent les formes puissantes d’Edward Countey et libres d’Alice Trumbull Mason. Les femmes artistes sont de plus en plus nombreuses à l’Atelier 17. Également peintres, elles introduisent la couleur dans leur gravure, comme vont le faire Ellen Abbey Countey, Sari Dienes. Peter Grippe et Fred Becker introduisent l’iconographie dynamique de la ville. Miró, qui poursuit la veine surréaliste, produit des effets dynamiques par des espaces creusés et imprimés en relief.
Sue Fuller, Lancelot and Guinevere, 1944, eau-forte en couleurs, aquatinte, courtesy of Dolan/Maxwell
© Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 - © DR
Stanley William Hayter, Cinq personnages, 1946, burin, vernis mou, gouge, courtesy of Dolan/Maxwell
© Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 - © Adagp, Paris, 2021
Section 3
PARIS, 1950 - 1964
En 1950, Hayter charge Enrique Zañartu de retrouver un espace parisien pour l’Atelier 17. Deux caractéristiques rassemblent les estampes produites à l’Atelier 17 dans cette décennie : la superposition des couleurs est travaillée dans des nuances multiples. Les plaques de gravures portent la marque de la morsure ouverte ou open bite grâce à laquelle hasard et virtuosité se confrontent dans l’impression des estampes. Une imagerie en référence à la nature apparait. Le travail de la couleur est omniprésent grâce à une grande technicité.
Le retour de Wifredo Lam et André Masson à l’atelier offrent de nouvelles perspectives au surréalisme. Des artistes du Japon ou d’Amérique Latine avancent des couleurs saturées qui semblent
remonter d’un fond noir. Pierre Alechinsky, dès 1952, grave quant à lui onze estampes à l’eauforte, Haytérophilies, en hommage au fondateur de l’Atelier 17. Ses estampes aux couleurs pastel
reprennent les peintures-écritures de Cobra. Elles sont tirées par Jean Clerté qui poursuit, dans des épreuves en noir, des séries consacrées aux animaux. Les néerlandais Corneille et Nono Reinhold, dans leurs eaux-fortes, jouent avec des cuivres déjà travaillés. Hayter poursuit le travail de la couleur en superposition. L’application de couleurs aux densités différentes se fait sur des fonds parfois déjà encrés sur la plaque. C’est un succès dans l’estampe La Noyée, qui fait remonter un violet, un vert et un orangé subtils. C’est encore la couleur, unifiée dans ses formes et les tracés du dessin que l’on remarque dans les œuvres figuratives de Roger Platiel et abstraite de Gail Singer. L’impression monochrome persiste. Le jeune artiste Bernard Rancillac, qui fréquente l’Atelier 17 de 1962 à 1963 s’en souviendra, actif à l’Atelier de l’école des beaux-arts de Paris dès 1968.
Helen Phillips, Amants novices, 1952- 1954, sculpture en bronze poli, collection privée
© Rennes, Musée des beaux-arts de Rennes, photographie Jean-Manuel Salingue, 2021 - © DR
Jacques Hérold et Gherasim Luca, Le Sorcier noir, 1950, boîte-livre, contient une feuille-titre, une planche d’échantillons minéralogiques colorés, disposés
sur un carton, et une estampe en blanc portant un gaufrage, collection privée
CATALOGUE
Hayter et l’atelier du monde – entre surréalisme et abstraction
Éditions Mare & Martin, Paris
176 pages
Édition en français et en anglais
Auteurs
Jean-Roch Bouiller, Céline Chicha Castex, Carla Esposito, Laurence Imbernon, Zoé Marty, Scarlett Reliquet, Christina Weyl
Traduction Joanna Coryndon
FRAME, UN PONT CULTUREL TRANSATLANTIQUE
FRench American Museum Exchange (FRAME) est une plateforme d’échanges qui se situe à la confluence d’intérêts communs partagés entre trente-deux musées de France, des États-Unis et
du Canada. Depuis sa création en 1999, FRAME soutient dans un esprit de solidarité la coopération entre ses adhérents dans le domaine des expositions et de la médiation culturelle. FRAME
encourage aussi les échanges de pratiques entre les membres de ce réseau professionnel et représente un vaste centre de ressources intellectuelles des deux côtés de l’Atlantique.
Le Musée des beaux-arts de Rennes adhère à FRAME depuis la fondation du réseau. Après avoir appuyé l’exposition-diptyque Éloge du sentiment et Éloge de la sensibilité (2019) entre le Musée
d’Arts de Nantes et le Musée des beaux-arts de Rennes, FRAME est aujourd’hui heureux de soutenir Hayter et l’Atelier du monde. Entre surréalisme et abstraction. L’exposition s’inscrit dans le
cadre d’une Saison américaine en France, menée en partenariat avec d’autres musées du réseau FRAME : le Musée d’arts de Nantes, le Musée Fabre de Montpellier et les Musées de Marseille
(Centre de la Vieille Charité). Le label FRAME assure par ailleurs à l’exposition un rayonnement auprès d’un large public tant au niveau national qu’international.