Le cabinet de Robien, est un cabinet de curiosités.
On y trouve donc des objets qui relèvent de la définition de la curiosité, c’est-à-dire d'un intérêt pour des choses cachées, ici, érotiques.
Le contexte s'y prête : Robien nait en 1698 à la fin du règne de Louis XIV qui prend un tour particulièrement austère et dévot pendant les quinze dernières années, auquel succède la période de la Régence du Duc d'Orléans, puis le règne de Louis XV, qualifiés de libertins : notre collectionneur vit donc en pleine période de libertinage, à une époque où le terme d'ailleurs change de sens. Celui-ci ne désigne plus seulement un libre penseur comme aux XVIe et encore au XVIIe siècle, mais également une personne intéressée par la chose érotique. Cet érotisme envahit non seulement la littérature, mais également les arts décoratifs qui se couvent de boutons de roses et d'évocations galantes, et bien sûr la peinture avec Boucher qui en est un des plus illustres représentants.
Ces objets proviennent de Chine et sont datés des années 1730 grâce à quelques détails stylistiques (les coiffures des femmes notamment); le musée conserve ainsi 7 couples enlacés dans des postures de la relation amoureuse et posés sur une feuille, symbole de l'origine tout à fait naturelle de ces pratiques sexuelles. Ils sont en stéatite, une pierre proche du talc qu'on peut très facilement sculpter, mais qui est également très fragile, et partiellement peints.
Si ces pièces sont exceptionnelles, c'est qu'aucun autre jeu semblable de figures n'est connu à ce jour.
La dernière interprétation les concernant est la suivante : en Chine, comme en Occident à la même époque, on ne choisit pas son conjoint; les parents marient les enfants pour des raisons de stratégie sociale, économique ou familiale; or, le culte domestique qui est un centré sur la dévotion aux ancêtres, postule qu'il faut une descendance qui puisse honorer les Anciens. Sans enfant, pas de rites ni de prières pour le repos des défunts. Il est donc nécessaire d'accomplir un véritable devoir conjugal pour avoir une descendance. Et ces petits objets sont là pour ça, offerts aux jeunes mariés pour leur rappeler leurs obligations filiales. D'où par ailleurs les histoires d'adultères omniprésentes dans les littératures, populaires comme savantes, ici comme là-bas, car l'amour, le vrai, ne se rencontre le plus souvent qu'en dehors du mariage, même s'il existait des exceptions.
À côté de ces objets, dans la Chine des Qing il existait également des livres illustrés, ou des séries de panneaux de bois qui avaient la même fonction didactique, pédagogique pourrait-on dire; et Robien possédait également deux des panneaux introductifs à toute une série aujourd'hui perdue, sans doute plus explicitement érotique.
Notre parlementaire, qui par ailleurs conservait quelques rares livres et dessins érotiques dans ses collections, était donc, sans doute, un libertin… dans l'austère capitale bretonne du XVIIIe…