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Le musée
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Les œuvres phares

Consultez les oeuvres incontournables du musée et amusez-vous à découvrir ces chefs-d’oeuvre à travers les différents thèmes que nous vous proposons.

Pour des raisons de prêts, de restaurations ou de conservation, toutes ces oeuvres ne sont pas actuellement présentées dans les salles du musée.

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Calebasses

Il s’agit d’une paire de petites calebasses montées sur argent servant de gobelets. Ces objets sont assez importants dans la collection car bien que modestes, ils sont bien tracés dans tous les écrits depuis la Révolution et dans les inventaires du XIXe siècle. C’est sans doute de la seule paire ancienne de ce type de gobelets conservée en France; encore une fois, des objets exceptionnels dans notre pays.

Nous avons affaire plus précisément à des gobelets qui servaient ordinairement à boire du chocolat, boisson originaire du Mexique comme son nom en langue nahuatl l’indique, tsocolatl, et cultivée depuis environ -2000 ans avant JC au Mexique (la plante est vraisemblablement originaire de l’Amazonie centrale, mais a été acclimatée par les peuples autochtones il y a donc plusieurs milliers d’années sur les bords du golfe du Mexique). Il sont appelés jícaras, du nom vernaculaire donné à un arbre qui produit des fruits dont la carapace peut servir de récipient pour sa dureté (nom latin : crecentia cujete).

Or, pour les Amérindiens, le chocolat n’est pas n’importe quelle boisson. Comme son nom l’indique même en latin (théobroma ="boisson des dieux"), il s’agissait d’une boisson sacrée qui servait dans des rituels pour les divinités et qui était en particulier consommée par le souverain aztèque au moment de la conquête du Mexique par Cortés. C’est d’ailleurs en compagnie de Moctezuma que Cortés fit connaissance avec la boisson (Christophe Colomb l’avait déjà remarquée, mais n’y avait pas gouté semble-t-il). Il en rapporta immédiatement les graines en Espagne ainsi que le vadémécum lié à son usage. À cette époque, le chocolat n’était pas dégraissé ni sucré, et avait beaucoup d’amertume. Comparativement à nos standards de goût contemporains, on peut vraiment se demander si cette boisson attirerait l’attention aujourd’hui. C’est à la fin du XVIIIe siècle que le chocolat se consomme davantage sous forme solide qu’en boisson  : on se souviendra de l’anecdote des pistoles en chocolat de Marie-Antoinette inventées par le pharmacien Sulpice Debauve pour faire avaler à la reine ses médicaments amers, lançant ainsi une mode toujours bien en vigueur.

Malgré la popularité grandissante de la boisson  à l’époque de Robien en Europe, ces gobelets, qui ne datent pas de la conquête espagnole, mais plutôt de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe, sont ornés de métal précieux. Les artisans mexicains perpétuent ainsi la tradition d’une fabrication de contenants prestigieux puisque l’origine de la boisson l’était; c’est un peu comme nos flutes de champagne qui sont faites en cristal puisqu’il s’agit d’y verser un breuvage précieux. Ces objets deviennent ensuite courants dans toute l’Amérique espagnole au XVIIIe et surtout au XIXe siècles : on en trouve en Argentine, Pérou, Chili, Venezuela, Colombie, Honduras, etc. Toutes les bonnes galeries d’art hispano-américain en présentent régulièrement en vente (mais donc bien plus tardifs que ceux de Robien), et ils sont également exposés dans tous les bons musées américains. C’est un peu la marque de fabrique de l’artisanat originel de l’Amérique latine (comparable en ce sens à la porcelaine chinoise en Chine).

Comment Robien s’est-il procuré des objets aussi rares ? Eh bien il faut encore évoquer la situation particulière et vraiment privilégiée de la Bretagne pour son ouverture sur le monde avec ses nombreux ports, sa compagnie des Indes gérée par les Malouins, les rabatteurs de Robien un peu partout sans doute dans la région, mais aussi peut-être sa cousine de Brest, mariée au gouverneur de San Domingue le marquis de Vienne, San Domingue par où pouvaient transiter des marchandises provenant de la Nouvelle Espagne.

En tout cas pour ce qui concerne le musée, ce n’est que très récemment (2012 !) que l’identification de ces gobelets en jícaras a pu être faite, car les objets étaient indexés en "Hindoustan", et bien évidemment les spécialistes s’échinaient, bien en vain, à en trouver de semblables en Inde…

…Concluons sur une note mystérieuse : celle du tableau imaginaire de cette boisson au chocolat réservée aux dieux ou à leurs représentants, et dégustée en tête à tête par Cortés, le conquistador Espagnol, et Moctezuma, le souverain aztèque que personne n’avait le droit de regarder dans les yeux, ce que fit alors pour la première fois Cortés lui-même, qui avait les yeux d’un bleu intense, phénomène totalement inconnu au Nouveau Monde.