Eugène Amaury-Duval (1808 - 1885)
Portrait de Mademoiselle Isaure Chasseriau, 1838
Huile sur toile
117,6 x 90,5 cm
Avec l’autoportrait et le portrait du père de l’artiste, celui de sa nièce, Isaure Chassériau, est la troisième œuvre d’Amaury-Duval conservée au Musée des beaux-arts de Rennes. Ces portraits sont cédés par l’artiste à Eugène Froment, son élève et ami, qui les offre à Rennes en 1886. Il s’agit d’un retour aux sources : le père d’Amaury-Duval, né à Rennes, fut ainsi avocat au Parlement de Bretagne.
Ce portrait, qui valut à son auteur une médaille de première classe au Salon de 1839, étonne le visiteur contemporain. Dans un jeu de formes ovales, auquel se soumet le contour de l’œuvre comme étant l’un des principaux éléments de la composition, le visage porcelainé de la jeune femme se détache nettement de la toile.
Comme ont pu le relever les critiques du Salon, Isaure Chassériau n’est ni gracieuse ni avenante, mais la figure triomphe par la stylisation et la sobriété de l’ensemble, à peine contrarié par quelques bijoux. Aucun relief ni détail ne vient perturber l’unité de la composition ou le curieux hiératisme du modèle, que renforce l’harmonie des couleurs claires et crues. Cette unité est associée à une esthétique linéaire implacable. Auteur de L’atelier d’Ingres, récit de souvenirs rendant hommage à son maître, Amaury-Duval illustre ici la primauté ingresque de la ligne. Par ailleurs, à travers la représentation de sa nièce, il consacre la bourgeoisie, classe sociale incontournable et dominante du XIXe siècle. Son modèle était d’ailleurs la cousine du peintre Théodore Chassériau, autre et brillant élève d’Ingres.
Malgré une simplification des formes, écho à la naïveté ou à la pureté des peintres primitifs, ainsi que les effets de géométrie formée par les ovales, les lignes strictes du fond ou le triangle formé par les bouquets de fleurs, une impression de naturel et une grande fraîcheur se dégagent de ce portrait. À l’occasion de l’exposition consacrée au peintre en 1974 à Montrouge, l’historien de l’art Bruno Foucart écrit que l’œuvre « surprendra avant de séduire ».